Wiki Parodies et Fanfictions
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Eh oui, c'est encore moi, c'est encore Anakin!

Cette fanfiction est mon chef-d'œuvre, amusez-vous bien !


Ensuite, je vous préviens que cette histoire sera peut-être un peu violente. Si j'en fais trop, prévenez-moi!

Elle commence au tome 3, à l'enterrement de Kenric, et finit... je ne sais pas quand. Les textes du tome 3 ne seront pas authentiques, vu que l'histoire se passe différemment.


Couv'V.R.

Prologue:[]

La routine s'installe. On dort mal, on travaille jusqu'à épuisement, on dort mal, on travaille... Et au passage on glisse éventuellement un peu de bouillie infâme. Mais en secret un complot se trame. Dimitar est inhumain. Normal, c'est un ogre. Mais même pour un ogre, sa cruauté va bien trop loin. Alors nous allons nous révolter. Une elfe, deux cents autres, contre plus d'une dizaine de milliers d'ogres.

Mais l'espoir fait vivre.

Chapitre 1[]

Eh bien, ça commence mal ! me dis-je en voyant le roi ogre secouer Sophie Foster comme un prunier. Et ça empira vite : Dimitar lâcha Sophie pour se mettre un magnifique coup de poing en pleine face. Toute l'assemblé -moi inclus- se tourna vers la personne sans doute responsable: Grady Ruewen, Hypnotiseur.

- C'est une déclaration de guerre ! beugla Dimitar, le nez en sang.

- Pas du tout : la loi stipule qu'il est autorisé d'user de son talent en cas d'attaque, ce qui est -je dois l'admettre- le cas, fit le Porte-Parole du Conseil, Emery. C'est vous qui êtes en tort.

Furieux, Dimitar bondit en avant, un énorme sabre levé pour pourfendre Grady ou Emery. Mais je m'interposais. J'avais déjà vu assez de personnes mourir, à commencer par ma propre jumelle.

Alors je saute, je tire deux petits couteaux, je les croise, et j'arrête le sabre de Dimitar.

J'essaie du moins. La force du monarque est telle que je me retrouve à genoux, les biceps en feu.

- Tu vois jouer les héros, c'est ça ? railla Dimitar.

- Tu ne tueras personne ici, articulais-je pour toute réponse. Ceci faisant, dans un effort de concentration, j'utilisais mon talent pour recouvrir de givre le sabre de Dimitar, puis je fis descendre la température, et peu à peu l'arme se désagrégea, sous les regards ahuris de tout le monde.

- Je répète, tu ne les toucheras pas !

- Alors toi, si !

Avec une vivacité étonnante pour sa morphologie, il ma saisit par la taille, pressa un appareil sur sa hanche... et nous disparûmes.

Ravagog avait de quoi impressionner, si ce n'est le spectacle qui s'offrit à moi quand nous y réapparûmes je ne sais pas comment. La partie troglodyte en imposait, tout en angles droits dans une gigantesque grotte sans doute artificielle, vu qu'elle était parfaitement symétrique.

L'autre, la partie à l'air libre, impressionnait plus par ses constructions en hauteur, où se pressaient foule de passants, chacun vaquant à ses occupations quotidiennes.

En revanche, le "petit" problème, c'était que devant moi se dressait un camp de travail... rempli d'elfes.

Chapitre 2[]

Changement de PDV... hum, je ne vais pas encore dire qui c'est!

C'est elle. Depuis trois semaines qu'elle était là, j'avais cette certitude. C'est bien Aélynn. Et elle est brisée. C'est fait. Elle n'aura pas tenu plus de trois jours. Ensuite, elle est morte psychologiquement. Comme nous tous. Dimitar ne cherche pas de bons travailleurs pour assouvir ses envies, mais juste des esclaves , des machines pour lui obéir aveuglement contre une promesse de liberté... vide.

- Fini la sieste ! aboya alors un ogre en ouvrant la porte. Pas un mot. Tout le monde se met en mouvement, les yeux vides.

Sauf moi.

Je restais à l'arrière, et je claquais des doigts. Fort. Et je disparus. Auto-invocation dans le néant. Ce n'est que grâce à cette technique que j'ai tenu ces 17 dernières années. Mais elle, elle m'a vue. Elle n'était pas comme les autres. Voilà une certitude que j'ais.

Elle va changer le monde.

(Note: On va garder le PDV d'Aélynn, sauf annonce sous le titre de section)

Chapitre 3[]

Nous disions donc: retour à Aélynn. (Petite ellipse vers l'intrusion de Sophie et Cie dans le tome 4)

J'ai faim. J'ai soif. J'ai une détermination de fer.

Mon nom est Aélynn Nothung. Et Dimitar ne m'aura pas. Il aura beau tenter de me briser, je ne fléchirais pas.

On dit que l'espoir fait vivre. Il faut aussi survivre.

Pendant les harassantes heures de travail, seule l'espoir d'une vengeance me fait tenir. On creuse, on agrandit le grotte sous les quolibets des ogres, et ensuite, une fois qu'on ne tient plus debout, direction une caverne sombre et puante où on s'entasse par dizaines.

Mais, un jour, tout a changé.

Un grand bruit m'a réveillée en plein milieu d'une période de "sommeil". Je jetais un regard pas une ouverture trop petite pour pouvoir être qualifiée de fenêtre, pour apercevoir un petit groupe qui retenait une gigantesque vague, tandis que des dizaines de guerriers affluaient de partout pour les attraper. En me concentrant, je n'eus aucune mal à reconnaître Sophie Foster.

Sophie Foster.

Elle se battait.

Alors moi aussi.

Avec un grognement, j'ouvris la lourde porte de la caverne d'un violent coup de pied. Le gardien s'effondra, une empreinte de chêne sur le visage. Je me concentrais, et une pluie de glace s'abattit sur les poursuivants du Colibri. Très bien.

Un détail attira mon attention: le jeune Hydrokinésiste du groupe, qui retenait le raz-de-marée, avait relâché sa concentration, et une masse d'eau s'apprêtait à s'écraser sur la vague en premier plan. Pas bon. Au prix d'un énorme effort, j'érigeais un mur de glace, qui retint la vague secondaire.

- Allez allez allez! me murmurais-je, tandis que la pression se fit de plus en plus forte.

Le raz-de-marée s'écroula enfin, et je lâchais la seconde vague.

Une pensée me traversa: les portes de Ravagog allaient sauter. Et derrière elle, la liberté.

Alors, je pris mon élan... et je tombais.

Chapitre 4[]

Elle est complètement tarée !!!!

Assommer le gardien, passe encore. Elle risquait juste une belle raclée.

Tuer des guerriers ogres, ça pouvait arriver à tout le monde.

Participer à la destruction de la ville, si elle ment bien, elle s'en tirerait.

Mais sauter dans une eau glacée d'une hauteur approximative de 65 mètres... sachant qu'elle risquait de ne pas atterrir dans l'eau mais de s'écraser par terre sous forme de petite tache de graisse!

Je me penchais par-dessus le rebord. Aélynn était toujours en l'air.

- Liiibertéééééééé !! hurlait-elle.

Confirmation: elle était folle. Cependant... j'en avais marre de lui céder des choses aussi importantes, mais... elle avait raison. C'était ma première chance de m'enfuir en plus de dix-sept ans. Et sans doute la dernière.

Alors, je sautais. Derrière moi, une autre femme bondit. Puis une autre. Et deux douzaines la suivirent. Et finalement, nous fûmes près de cent à tomber.

Je me tournais, jusqu'à ne former plus qu'à bâton humain... et un impact glacé me coupa le souffle une demi-seconde plus tard. Un courant d'une force extrême me malmenait, m'entraînant à la vitesse de la lumière vers l'extérieur.

Liberté, me voici!

Chapitre 5[]

Retour à Aélynn !

C'était une très mauvaise idée.

Voilà la première pensée qui me traversa l'esprit.

Je suis cassée de partout.

Voici la seconde pensée qui me traversa l'esprit.

Une trainée chaude et sans doute écarlate me parcourait le front, ma cheville gauche ma faisait atrocement souffrir. J'ouvris les yeux. Le décor était plus ou moins clair d'un côté, flou de l'autre. Saleté d'œil paresseux.

Je m'appuyais sur mon coude - intact heureusement - puis me relevais intégralement. Sans m'appuyer sur ma cheville gauche.

Examen rapide: à part ma cheville - que j'enveloppais rapidement dans une attelle de givre - tout allait bien.

Je me mis en marche, un peu claudicant. Une chose était sûre: je ne retournerais pas à Ravagog. Quant à ma destination... blanc total.

Un cri m'interpella soudain.

- Aélynn !!

Je me retournais, pour apercevoir une armée d'elfes... tous les prisonniers de ma caverne, et d'autres encore...

Elle m'avaient suivie. Voilà qui promettait.

Chapitre 6[]

- Qu'est-ce que vous faites ici ? m'exclamais-je, incrédule.

- On a sauté, répondit l'une d'entre eux.

J'observais rapidement le groupe : ils étaient au moins cent, peut-être cent-cinquante hommes et femmes, tous une lueur commune dans le regard : celle de la vengeance.

- Ça j'ai vu, mais pourquoi ?

- Pourquoi toi tu sautes mais que nous on a pas le droit ? demanda une blonde qui ma parût familière.

Argument imparable.

- Hmmmm... Quel est le programme, demandais-je.

- Présentation, pourquoi pas ? fit la même blonde. Je suis Lucine Weruen, Invocatrice.

- Aélynn Nothung, Givreuse, continuais-je.

- Thaïs Loan, Éclipseuse.

- Aryn Corman, Flasheur.

- Letsen Punder, Sans-Talent.

- Cynethia Nothung, Phaseuse.

- Pardon ?

Ce coup ci, j'étais sûr de connaître cette personne.

- Tu me connais, 'Lynn.

J'observais le personne de plus près. Tout moi... sauf l'œil paresseux qui était de l'autre côté.

- 'Nethia?

Pas de doute, c'était bien ma jumelle ! Retenant des larmes de joie, je posais la question qui me trottait dans la tête depuis que je l'avais reconnue il y a cinq secondes:

- Comment as-tu... l'éboulement...

Son regard s'assombrit.

- Tu m'excuseras, ce sujet est plutôt... sensible.

- Oui... excuse-moi.

En essayant de ne pas laisser transparaître des émotions violentes, je me tournais vers les prisonniers, qui continuèrent.

- Damaris Thurnder, Rafaleuse.

- Oroshi Strochnis, Polyglotte-Empathe.

Et ainsi de suite. Il y avait bien trop de noms pour que je me les rappelles tous.

Une chose était sûre : On avait tous envie de casser de l'ogre.

Chapitre 7[]

Le camp s'est installé au bord d'un lac, pas loin d'un bosquet abondant de baies et compagnie.

Le hiérarchie du camp elle aussi s'installe: Moi en tête - sur décision unanime - parce que j'ai "lancé le mouvement" et que sans moi "on serait tous en train de moisir dans une grotte étriquée".

Lucine Weruen - mystérieuse des pieds à la tête - me secondait.

Une "Responsable survie" était présente en la personne de Oroshi Strochnis.

Elle avait été bannie avant d'avoir été capturée par Dimitar, et elle a survécu seule pendant pratiquement une année. Elle en connaît plus en survie que nous tous réunis.

Nous avions également un "Responsable Guerre": Aryn Corman. Il savait manier arc, épée etc., ne me demandez pas comment.

Entraînement deux fois par jour, physique puis armé. Le reste du temps, on ramassait des fruits, on construisait des cabanes... ou alors on aidait les autres à s'entraîner dans le domaine de leur talent.

Pendant ce temps, quelques Invocateurs essayaient par tous le moyens de reproduire une technique: l'auto-Invocation dans le néant. Avec celle-ci, on pourrait déposer un message, chercher n'importe quel objet dans le néant, etc.

Seule Lucine maîtrisait cette technique, mais le transfert était lent et lui coûtait beaucoup d'énergie. Donc il nous en faudrait plusieurs.

En ce qui concernait ma jumelle, Cynethia, nos rapports s’amélioraient peu à peu, mais nous n'étions toujours pas vraiment "amies".

Mais au moins, nous étions soudés.

Chapitre 8[]

- Hhhhh... hhhh... hhhh... hhh... j'ai ramené... hhhh... un cristal... hhhh... hhhh... haleta Lucine, à bout de souffle.

En effet, elle brandissait un cristal bleu, qui donc menait vers les Cités Interdites.

Zut...

On avait besoin d'un cristal incolore, pour aller dans les Cités Perdues.

- Il ne faut pas l'utiliser, décidais-je tout de suite.

- Attends! Tu es sérieuse? s'exclama Aryn.

- Très.

- Ce cristal représente peut-être notre porte de sortie! Nous sommes trop près de Ravagog pour ne pas avoir besoin de ce cristal. Si Dimitar remet la main sur nous, nous sommes morts!

- Je sais. Mais regarde-toi!

Aryn baissa les yeux sur son corps, recouvert d'une tunique en lambeaux, son pantalon transformé en short.

- Je peux t'assurer que ton visage est bien pire. Si tu sautes, tu ne vas que te faire remarquer, et ce n'est pas le but recherché!

- Je m'en fiche! hurla Aryn de mauvaise humeur, en arrachant le cristal des mains de Lucine qui avait sombré dans l'inconscience.

Et il sauta.

Chapitre 9[]

- Mais quel petit [censuré]!! hurlais-je, au comble de la rage.

Franchement, bien joué! Il était le seul capable de nous entraîner au combat, et en plus il volait un cristal qui nous aurait sûrement été utile après examen!

Zen.

Je suis la cheffe de ce groupe, surtout rester calme.

Caaaaaaaaaaaalme...

- AAAAAAAAAAAAARGH!

Ce cri alerta tout le camp, qui vint demander ce qui se passe.

- Demandez à Aryn quand il reviendra... s'il revient, pestais-je.

Je retournais dans ma cabane à pas furieux, puis m'assis sur le sol, faute de chaise ou de couchette.

Aryn...

Grand brun, les yeux virant au mauve, sérieux au plus haut point, mais opportuniste.

Un de moins sur la liste.

Ce qui me faisait le plus mal, ce n'était pas son départ et la perte de deux très bons éléments (lui et le cristal), mais plutôt qu'il ai agi de son propre chef.

Car cela voulait dire que nous n'étions pas aussi soudés que ce que je m'efforçais de croire.

Chapitre 10[]

Un mois s'était écoulé depuis le départ d'Aryn. Il n'était pas revenu, et nous avions perdu tout espoir de le retrouver.

Mais on s'était organisé sans lui.

Lucine - décidément, à part son talent, on ne savait rien d'elle... - avait ramené plusieurs éclaireurs... tous blancs, à croire qu'il n'y avait plus de cristaux cobalt. On les avait tous essayés: que des lieux humains.

Pas de chance...

Letsen déboula soudain dans la cabane.

- Tu sais où est Ruenwe?

- Qui ça?

- Lucine.

Ah! C'est vrai, il aime parler en verlan.

- Dans sa cabane en train de se reposer.

Et il repartit comme il était venu.

Moi, je restais sans bouger, ses paroles m'ayant donné une soudaine idée.

Weruen.

Ruenwe en verlan.

Si on change un peu les positions des lettres, ça fait...

Ruewen.

Lucine Ruewen.

Et Lucine... le deuxième prénom de la fille présumée morte qui a créé un beau scandale et partant en fumée (littéralement) il y a maintenant dix-sept ans.

Jolie Lucine Ruewen.

D'un pas rapide et furieux, je fonçais vers la cabane de ma seconde, et la pris par le col, sous le regard interloqué de Letsen.

- Dites-donc, Mademoiselle Weruen, combien de temps vouliez-vous encore nous cacher votre identité?

- Donc tu as deviné... soupira Jolie.

- Sans blaaaague. Pourquoi?

- Je ne sais pas, à vrai dire. Il vaut mieux que l'on me croit morte.

- Je répète: POURQUOI?!

Chapitre 11[]

- Réponds! je hurlais devant le mutisme de Jolie.

- Faudrait... p'têt qu'tu m'lâches ! suffoqua la Ruewen.

Je remarquais que je serrais son cou, à tel point qu'elle ne pouvait plus respirer et formulait sa phrase de la plus courte manière possible.

- Oh... Désolée... murmurais-je en relâchant mon étreinte, mais pas mon attention pour autant.

- Je vois ça, grommela-t-elle. Donc, nous disions ?

- Pourquoi t'es-tu cachée ?

- Tu imagines le scénario : une fille supposée n'être plus qu'un petit tas de cendres sur le tapis réapparaît miraculeusement, clame à quiconque veut l'entendre qu'elle a survécu, alors que ses parents sont en deuil depuis dix-sept ans - enfin, je croyais, en fait ils m'ont remplacée par un monstre... -, ça causerait quelques remous, et hello les Invisibles ! Je n'y ai que gagné ma liberté, d'avoir mon élaireur sous la main lors de l'incendie. Après, le coup des ogres, c'était pas tout à fait prévu...

Silence.

Elle n'a pas vraiment eu la vie facile, mais de là à mentir à 167 personnes ( très exactement)...

Une évidence me frappe soudain.

- Une seconde : tu es crue morte, pareil pour moi... Ceux ici avec qui j'ai pris le temps de parler ont été bannis ou " tués". C'est pour ça que le Conseil n'a rien fait !! Parce que à ses yeux, nous n'existons plus !

- Le pire doit être que c'est tout à fait logique... fit Letsen qui, à vrai dire, j'avais un peu oublié.

- Et les visites diplomatiques du Vacker et de Cadence ? demanda Jolie.

- On nous collait parfois plus tôt en cellule, répondais-je. Dimitar ne voulait pas que quiconque soit au courant de sa petite collection.

- Il a dit n'avoir rien a cacher, et c'est un homme qui tient parole quoi qu'il arrive. C'était une partie du traité de Lumenaria, contre-argumenta Letsen.

- Et pourtant... murmurais-je, horrifiée.

- Nous avons donc affaire à un psychopathe, jeta Jolie. Rien de nouveau, en somme.

Voyant qu'elle n'avaitplus rien à dire, je décidais de changer de sujet.

- Qui est ce "monstre" duquel tu parlais ? lui demandais-je.

- Ironiquement, une personne qui pourrait nous aider...

- À savoir ? pressais-je.

- Sophie Elizabeth Foster.

Chapitre 12[]

Avant d'avoir eu le temps de réagir (j'avais risqué ma vie pour Sophie, je croyais en elle, moi!), une Givreuse fit irruption dans la cabane.

- Les ogres, haleta-t-elle. Deux kilomètres... nord-ouest... se dirigent droit vers nous.

- Vers nous ? Et mer**. Ça veut peut-être dire qu'ils savent exactement où est notre camp. Mauvais ça !! Les Thélépathes ! Visitez chaque esprit ! Posez-vous des questions personnelles ! Vérifiez la présence de tout le monde ! Nous avons peut-être un traître parmi nous ! hurlais-je en sortant de la cabane.

L'avantage, quand on est de mauvaise humeur et qu'on le fait savoir, c'est que personne ne discute. Une formidable mécanique, pour laquelle il aura fallu près de six mois de préparation, se mit en place. Les Thélépathes exécutèrent les instructions à une vitesse surprenante pour l'envergure de la tâche. Tous ceux qui ont été déclarés ne pas être des traîtres se mirent à la défense, posant des pièges et des chausse-trappes, érigeant une barricade...

Ce qui me faisait presque rager, c'est que personne sur le camp n'ai été déclaré suspect. Quelle personne pouvait alors connaître l'emplacement du camp ?

Toutes ces questions se résoudraient plus tard.

Pour l'instant, il fallait se préparer à ce qui sera à coup sûr la bataille finale.

Dimitar fit son apparition après une petite heure, flanqué de guerriers armés jusqu'aux dents et d'un homme qui m'était malheureusement familier.

- Aryn... pourquoi, murmurais-je, horrifiée et dégoûtée à la fois.

- Eh oui, fit-il, comme s'il vivait sa meilleure vie et ne trahissait pas du tout ses amis.

- Pourquoi ?!

Le seul mot qui parvint à franchir mes lèvres.

- Pour Cynethia. Dimitar me l'a promise si je l'aidais à vous éliminer.

- Je ne suis pas un objet dont on peut disposer à souhait, espèce de sans-cœur, gronda ma sœur d'une voix sombre.

- Sans-cœur? Peut-être est-ce vrai, s'esclaffa Aryn. Peut-être ne suis-je qu'un psychopathe assoiffé d'amour, ou juste d'une sensation de pouvoir. Tu comprends, quand un petit être gracile se réfugie dans ta poitrine à la recherche de chaleur et de sécurité, tu te sens utile. Tu sens que tu sers à quelque chose. Sans doute ne suis-je qu'un égoïste qui a désespérément besoin de ça. Mais en tout cas, tu devrais me remercier de t'offrir la vie alors que tout tes camarades vont mourir aujourd'hui !

Sans nous laisser le temps de réfléchir, Aryn bondit en avant. À court d'idées, je prolongeais mes bras de deux lames givrées, et me jetais sur le traître. Il sortit une demi-épée de sa ceinture, et une furieuse joute débuta. Nous savions tous qu'un seul coup atteignant sa cible déciderait du vainqueur, moi parce que le froid de mes armes le ferait geler sur place, lui parce qu'il - sa plus grande taille oblige - pouvait centrer ses frappes sur mon cou. Je pris vaguement conscience de mes amis se battant à deux contre un, noyant peu à peu les ogres sous des attaques ciblées, leur causant des pertes relatives, mais notre camp était également en difficulté. Aryn feinta, et attaqua tout de suite sous un autre angle. Je parais sans sourciller.

- Faudra être plus subtil, mon vieux, raillais-je.

Il passa alors à la vitesse supérieure. Ce qui était d'abord un enchaînement dépourvu de finesse devint une danse rapide et tout en fluidité, et tous les mouvements superflus disparurent. J'accélèrais alors à mon tour. Me servant de la glace comme tremplin, je bondissais, insaisissable comme le vent, dangereuse comme les dents d'un serpent. Mais le cobra qui me faisait face disposait apparemment d'un antidote à mon poison, car il me poussait de plus en plus dans la défensive.

- Plus subtil, c'est ça ? demanda-t-il en m'offrant une petite entaille au bras après une feinte extraordinaire. Rien de grave, mais terriblement efficace. Avec un gémissement, je m'effondrais, mes doigts essayant sans succès de retenir un flot de sang. Mes bras de glace disparurent, et, me pensant vaincue, Aryn se pencha sur moi.

- Alors, on abandonne ?

Ma main givrée traversa son torse comme du papier.

- Moi? Jamais. Toi, en revanche...

- Accompagne-moi... haleta-t-il. En enfer. Je...

Je posais une main douce sur sa joue, accompagnée d'un sourire trompeur.

- Va te faire voir, ordure, lui soufflais-je dans l'oreille avant de le laisser.

Arc

J'ai pas trouvé d'épée XD

Je venais de tuer quelqu'un. Mais je m'occuperai de mon esprit après. Pour l'instant, il me restait des ogres à éliminer. Je n'était plus une elfe. Je n'y ressemblais même plus. Je n'étais plus que fureur et vengeance.

Les ogres tombaient autour de moi comme des quilles.

Mais ce n'était qu'un juste retour des choses.

Chapitre 13[]

Une semaine et demi plus tard.

Je n'y arrivais pas. Je n'arrivais à comprendre les raisons d'Aryn. Il avait dit aimer Cynethia et était prêt à tuer cent cinquante elfes pour arriver à ses fins. Ensuite, c'est vers moi qu'il s'est tourné, et il a essayé de m'amadouer au moyen d'une déclaration voilée, mais ridicule. Sur le coup, il n'avait aucune chance. Alors pourquoi avoir essayé ? Pourquoi est-ce qu'il m'a demandé après avoir tenté de m'éliminer ? Je le connaissais - plus ou moins - et je savais qu'il était opportuniste. Mais on ne peut pas sauter sur une occasion si risquée sans réfléchir. Il avait donc préparé très précisément son coup et a essayé de me dire quelque chose au travers de cette déclaration ou avant. Ça me faisait rager, de chercher vainement dans ses mots depuis son retour un message caché. Peut-être cherchais-je des choses inexistantes, peut-être tenais-je une piste.

Toujours est-il que nous partions pour les Cités Perdues. Jolie avait mis la main sur un cristal de seau, et, avec Letsen, elle avait travaillé la dernière semaine à tailler une facette... en espérant qu'elle nous mènerait vers l'endroit souhaité, à savoir quelques kilomètres au nord d'Havenfield. Heureusement que certains d'entre nous travaillaient dans la fabrication d'éclaireurs !

(NDA: Fallait bien les faire partir... j'avais pas d'idée 😅)

Jolie passerait en premier, seule, pour être sûre que le cristal ne nous enverrait pas au fond de la Fosse des Mariannes ou au sommet d'un volcan en éruption. en cas de problème, elle pourrait s'auto-invoquer dans le néant.

Elle revint, tout sourire :

- C'est parfait ! Le cristal mène au bout du bout de la propriété d'Havenfield. Nous serons intraçables, vu que notre cristal n'est pas recensé, et je connais assez bien mon p... (Sa voix bloqua sur ce mot, comme si elle n'arrivait pas à le prononcer), Grady Ruewen pour savoir qu'il ne va presque jamais par là.

Elle repartit, accompagnée d'une Invocatrice. Cette dernière revint - sans le cristal, vu que Jolie lui avait ouvert la voie mais n'avait pas sauté une quatrième fois - et usa de ses capacités pour invoquer le cristal. L'un après l'autre, deux par deux, ils partirent. La méthode n'était pas rapide, mais efficace, et au bout de quelques heures, l'Invocatrice et moi débouchèrent finalement... dans un bain de sang.

Du rouge partout, noyant l'herbe dans une rivière dont on se serait volontiers passés.

Chapitre 14[]

Un minuscule instant, une indignation égoïste me traversa: je n'avais pas laissé derrière moi une vingtaine d'Errants et quatre fois plus d'ogres morts pour me retrouver avec d'autres cadavres sur les bras! Avec un frisson d'horreur, mon regard se posa sur une gigantesque créature, mi-gorgonops, mi-apyrodon, mi-jenesaipas qui hurlait dans une panique incontrôlable, maintenue au sol par un champ de force. À chaque mouvement, elle se prenait une décharge électrique, et les deux Invisibles sur son dos ne l'aidaient pas à se calmer. Au contraire, ils paraissent charcuter le dos de la créature sans faire très attention à sa santé. Une dizaine d'autres Invisibles au sol les couvraient.

Avec un cri d'indignation et de colère, cinq silhouettes émergèrent de l'ombre.. Deux personnes d'une taille normale, une plus petite, un colosse et une dernière ombre, assez petite cette fois, un peu à la traîne à cause de ses jambes plus courtes. La "naine" entonna un chant d'une voix fluette, et, semblant lui obéir, l'herbe poussa et se noua autour des jambes des Invisibles qui étaient aux mauvais endroit au mauvais moment. Une gnomide, donc.

Un sifflement retentit, provenant de plusieurs objets qui rebondirent lamentablement contre la paroi du champ de force. L'un deux se planta aux ras de ma tête sur le tronc d'un pauvre arbre. Une étoile à quatre branches effilées. Une arme de gobelin.

Une troisième silhouette leva le bras et un objet apparut dans sa main. Elle le jeta contre le champ de force. Au lieu de ricocher comme nous nous y attendions, l'objet se planta littéralement dans le bouclier, qui après une vibration explosa.

Le gobelin et l'adolescente - blonde, fine - se mirent à faire siffler leurs armes à qui mieux mieux, sans succès : les Invisibles étaient trop rapides. L'adolescente tira un objet de sa poche, hurla quelque chose et rengaina l'appareil. Deux minutes de farandole d'étoiles plus tard, plusieurs autres silhouettes arrivèrent.

Les Invisibles, comprenant qu'ils étaient dans une très mauvaise posture, sautèrent tous... sauf un, qui était arrivé trop tard. Un faisceau électrique apparut dans sa main, mais un rayon de noirceur détourna son tir - qui partit l'on ne sait où - et enveloppa l'invisible. Un Ténébreux.

Elfes, gobelins et gnomes se félicitèrent les uns les autres, quand soudain, la lance électrique refit son apparition... droit devant Jolie. Dans un mouvement désespéré, elle glissa en avant, et laissa le tir s'écraser contre le bouclier de glace que j'avais érigé. Le rayon atomisa ma défense et alla se perdre dans les arbres, semant derrière elle une odeur de brûlé. La lance finit sa course dans une formidable explosion, mais personne n'y fit attention.

Tous les visages étaient tournés vers Jolie qui avait dévalé la pente, attirant l'attention des personnes présentes, notamment les adultes. Ils se tournèrent vers nous, et c'est à ce moment que je les reconnus. Grady et Edaline Ruewen... qui faisaient face à leur fille disparue depuis dix-huit ans.

Chapitre 15[]

PDV Jolie

Ils n'avaient pas changé. Presque.

Dans leurs yeux, presque impossible à remarquer, flottait une accusation muette.

Égoïste

Je le savais. En dix-sept ans, je n'avais pensé qu'à moi. Dans les premiers jours, j'étais seule dans la forêt, mon cristal de foyer sur moi. Plusieurs fois, j'ai failli sauter. Failli. Je ne savais pas dans quel état ils seraient. J'avais peur.

Puis mon cristal s'est brisé. La route vers mon chez-moi était barrée. Ce n'est seulement là que j'ai pris conscience de ma solitude. J'aurais pu avoir le luxe, la joie, les amis, l'amour. À la place, j'ai eu la solitude, la misère, la faim. Je n'ai pas eu. En choisissant de ne pas sauter, j'ai choisi de renoncer à la joie. Par peur.

Est-ce de l'égoïsme, d'avoir pensé seulement à moi, à mon état, d'avoir pleuré, crié, frappé les arbres parce que je voulais rentrer chez moi, sans jamais penser à ceux que ma disparition avait brisé ?

Oui.

Et j'aurais espéré en rester là.

Mais c'était toujours de l'égoïsme quand je me cachais dans le néant, dans ces maudits camps de travail, alors que des dizaines d'elfes souffraient tous les jours, que j'avais le pouvoir de les envoyer dans le néant, eux aussi.

Et c'en était aussi, lorsque, pendant la bataille, j'étais restée à l'arrière, alors que mes camarades se faisaient tailler en pièces.

Ces mêmes camarades qui avaient souffert toute une vie, avait été humiliés, brisés, mais qui continuaient à se battre, parce que Aélynn leur avait offert un éclat d'espoir.

Alors moi, qu'avais-je fait ? Je pas mérité la place de commandant en second du groupe. C'était simple, je ne travaillais pas, je faisais semblant de diriger les travaux. Alors que même Aélynn s'y mettait, travaillait, riait avec eux.

En un sens, elle m'a toujours impressionnée par sa persévérance, son courage. Elle n'abandonnait pas, elle ne le ferait jamais.

Et moi, j'avais osé me présenter sous une fausse identité, par peur. De quoi ? Que les Invisibles viennent me chercher ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais j'étais réellement une égoïste pure race. Et une peureuse.

Et je le serais toujours.

Alors... étais-je digne d'eux ? C'est eux qui avaient le plus souffert. Ma peur a détruit leur vie.

Étais-je digne de les regarder dans les yeux ?

Étais-je digne de les appeler "Papa" ou "Maman"?

Non.

Mon esprit traduisit toutes ces pensées en un seul sentiment.

La culpabilité.

Je me sentais coupable de ne pas avoir eu le courage de les aider. Je me sentais coupable de ne pas avoir eu le courage de sauter.Je me sentais coupable de ne pas avoir aidé tous ces elfes dont le seul était d'avoir été là au mauvais endroit, au mauvais moment. Je me sentais coupable d'avoir eu peur d'agir, d'aller me battre.

La liste était beaucoup plus longue.

Toutes ces pensées formèrent un nœud, dense, inextricable, dans mon esprit.

Lointaines, des voix m'appelaient.

- Jolie ?

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Son esprit est en train de se briser...

Cette voix, sans la connaître, je la reconnus tout de suite. Sophie Elizabeth Foster.

À travers un voile de souffrance, je l'aperçus. Cheveux blonds, fine, la quinzaine, et les yeux marrons. Télépathe. Je percevais sa présence dans ma tête.

Puis le nœud émotionnel explosa dans une onde de choc qui détruit ma conscience.

Ma dernière image, c'était Sophie, projetée en arrière.

- C'est fini.

C'est la fin ? Vraiment ? Déjà ? J'avais tant de choses à refaire, tant d'erreurs à réparer.

Je ne voulais pas...

Blackout.


Je suis Jolie Lucine Ruewen et je n'abandonnerais pas. J'ai encore tant de choses à faire. je suis jolie lucine ruewen et je n'abandonnerais pas. j'ai encore tant de choses à faire je suis jolie lucine ruewen et je n'abandonnerais pas j'ai encore tant de choses à faire je suis jolie lucine ruewen et je nabandonnerais pas jai encore tant de choses a fairejesuisjolielucineruewenetjenabandonneraispasjaiencoretantdechosesafaire


Une lueur. Un son.

- Jolie ? Jolie !

- Je suis là...

Aucun son sortit de ma bouche.

Le noir.


Un cygne. Noir comme l'encre.

Suis le bel oiseau à travers les cieux...

Quel oiseau ? Qu'est-ce que c'est, un oiseau ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

C'est un joli mot. Je l'aime bien.

Les restes de ma conscience s'y raccrochent.

Le noir.


Oiseau. Un oiseau. Ou une ?

Oiseau. Une oiseau.

Qu'est-ce que ça veut dire, oiseau ?

Je crois qu'il était noir. Mais c'est quoi, le noir ?

La lumière.

Elle m'enveloppe, me noie.

Whiteout.


La même voix.

- Jolie ? Jolie !!

Une oiseau. Il est noir.

Je cours vers lui.

Mais vers quoi ?

La voix recommence.

- Jolie ? Jolie !!

Je suis là ! Mais c'est où, "là"?

Une oiseau. Il est noir.

Une idée.

J'attrape l'oiseau, je me raccroche à lui.

Il ne veut pas. Il me projette contre du rien, la grande étendue des cieux. Il est beau.

Il faut que je le suive, j'en suis sûr. Sûre ?

Je baisse les yeux sur mon corps. Étrangement, il n'est pas couvert de ...

Je peux voir ma peau. Chaque centimètre carré, de la naissance de mon ... jusqu'au bout de mes ...

Quels sont les mots, déjà ?

C'est quoi, un mot ?

Non.

C'est une expression claire, nette, que j'assimile parfaitement. Je ne veux pas partir. Je ne veux pas partir. Je ne veux pas partir !

L'oiseau plonge. Je ne veux pas partir. Il faut que je le suive. Je le lâche.

Je ne veux pas partir !!!

Je ne peux pas partir !!!

Je ne...

Blackout.


- Jolie ? Jolie ? Jolie !? Jolie !!

Qui est Jolie ?

J'ai une impression, comme si ce ... m'était familier.

Qu'est-ce que ça veut dire, Jolie ? Jolie, ou jolie. Ou belle ? Ou ...

Je me retrouve en pleine lumière, accrochée à une falaise. Mais mains me font mal.

J'en lâche d'une. Elle tombe le long de mon corps comme un élastique. C'est quoi, un élastique ?

Je baisse les yeux.

Je suis une femme. C'est quoi, une femme ?

J'ai peur pour moi. C'est quoi, la peur? Pourquoi moi ? Et c'est qui, moi ?

Je lâche le falaise. Je tombe. J'aperçois un rocher pointu. Je tombe droit dessus.

Non !

Non !!

Le rocher rentre dans mon dos, brisant ma colonne ..., déchirant les ... vitaux.

La douleur.

Non !!!

Le noir.


La ... qui brûle mes ... impitoyablement.

Les ... qui me vrillent les...

Les ... qui attaquent mon ...

Tous les ... de mon ... me font souffrir.

Mais la volonté.

Au fond de moi, elle n'a pas disparu.

Pas encore.

Je ne peux pas partir, je ne peux pas abandonner. Abandonner quoi ? Est-ce que j'ai fait quelque chose, pour que puisse ensuite abandonner ?

Rien. Je n'ai rien fait.

C'est une vérité.

Je n'aime pas ce genre de vérité. Elles sont froides, violentes.

Alors je vais tout lâcher. Il n'y a plus rien pour quoi me battre.

J'ouvre les yeux.

Sophie.

- C'est fini. Elle est perdue...

Je ferme les yeux.

Chapitre 16[]

Retour à Aélynn

Un bazar pur. Un paysage de film d'horreur. Une conscience en morceaux. Brisée. Fracturée. Détruite. Un paysage dissonant, assourdissant de silence qui vous perçait les tympans. Un vacuum dans lequel il est impossible de bouger.

Et pourtant, une présence. Une respiration, régulière, suivant toutes les phases du sommeil avec une discipline assomante.

Et pourtant, un réveil. Plusieurs fois, des paupières papillonnantes, un rythme cardiaque qui s'accélère. Des cris, des convulsions, horribles, traduisant une souffrance inimaginable.

Voilà les observations faites, rapportées par Sophie comme par ceux qui la veillaient.

L'esprit de Jolie était brisé. D'après Sophie, qui pourtant avait quelque expérience en la matière, la fracture était parfaite, presque aussi grave que celle Prentice. En deux jours, non seize ans.

Sophie estimait qu'une guérison équivaudrait à réussir à faire maintenir deux miroirs parfaitement lisses, sans moyen de les encastrer l'un dans l'autre, et ce pendant une durée indéterminée, le temps que Jolie arrive à se réveiller et colmater la fissure.

D'où les mots très optimistes.

Mon regard se pose sur elle. J'avais insisté pour la veiller autant que possible.

Elle avait l'air paisible, comme plongée dans un sommeil très, très profond - peut-être trop pour qu'elle puisse remonter à la surface.

Je lui avais retiré ses vêtements en lambeaux pour les remplacer par une tunique sans manches.

Elle est allongée sur le lit de sa chambre, en sueur, ses cheveux éparpillés sur le coussin, sales, emmêlés. C'est presque douloureux de la voir comme ça, l'air en paix, comme si de rien était, alors que l'étincelle de ses yeux ne se rallumerait sans doute jamais.

Dès que je la touche, mon Talent remue, tirait sur mes tripes. Comme si la froideur caractéristique des morts tentait de l'envelopper.

Hors de question. Cela n'arrivera pas.

La porte s'ouvrit lentement, pour laisser passer une tignasse blonde dans l'ouverture.

- Aélynn ? demanda Sophie. Je peux te demander quelque chose ?

- Vas-y, répondis-je.

- Est-ce que tu serais prête à nous entraîner, mes amis et moi, au combat ?

- C'est à dire ?

- Nous avons décider de nous opposer aux Invisibles, de dicter notre loi. Et pour cela, nous devons nous entraîner. Tu veux bien nous aider ?

J'ai considéré l'idée une minute. Ça me changerait les idées. Mais étais-ce une bonne idée d'apprendre à tuer ? Pas à tuer, me répliqua une voix dans ma tête. À se défendre, à vaincre.

- J'arrive.

- Il y a trois catégories d'armes, expliquais-je. Les longues, les moyennes et les...

- Courtes ? suggéra un blond avec un tête de petits malin. Keefe Sencen, d'après Sophie.

- Faux. Les armes à lancer. Lesquelles avez-vous utilisées jusqu'ici ?

- Les armes de jet, majoritairement, a répondu un brun, Fitz Vacker.

- Aucune expérience au corps à corps ?

- Que dalle, fit Keefe.

- Grossière erreur.

- Pourquoi ? On a survécu, et même gagné, avec ça, jusqu'ici.

- Jusqu'ici. Mais crois-tu vraiment que c'est inutile d'apprendre à le combat rapproché ? Ça m'aurait tuée au moins cinq fois, mon bras peut en attester.

Il zyeuta ma cicatrice.

- Mouais.

J'étais d'une humeur massacrante, mais me retins de lui en mettre une.

- Keefe, la ferme, embraya Sophie. Aélynn, continue, s'il te plaît.

- Je t'aime bien, toi, commentais-je. Vous préférez commencer par les armes longues ou moyennes ?

- Les moyennes, décida un Fitz en fille. Sa sœur Biana, sans doute

- Une ou deux lames ?

- C'est à dire ?

- Il y a deux styles. Avec une arme, ou avec deux. Je vous conseille de choisir un domaine, mais d'avoir les bases dans les deux.

Ils réfléchirent. Tous sauf Biana décidèrent de commencer à une main.

Trois gobelins, sans doute gardes du corps, prirent en charge le petit groupe, tandis que Biana et moi nous entrainions dans un coin à part. Elle avait choisi deux lames à tranchant simple, incurvées vers l'extérieur tout au bout.

De mon côté, je fis pousser mes bras de glace.

- Il y a deux attaques de base, expliquais-je. Avec les armes du même côté, ou des deux côtés à la fois. Le plus important est de savoir basculer son poids d'une jambe à l'autre en une fraction de seconde pour pouvoir changer d'angle d'attaque aussi rapidement pour surprendre l'adversaire.

Je lui ai montré les mouvements en question, puis l'ai laissée répèter.

- Attaque-moi, dis-je, et essaie de varier entre les deux et de les exécuter différemment.

Elle fit comme demandé, avec une vivacité surprenante. Je parais la première attaque, la deuxième, une autre puis une quatrième.

Je m'apprêtais à l'arrêter quand soudain j'ai senti sa lame foncer vers moi. Trop vite pour que je puisse encore la dévier.

Mes réflexes prirent le dessus. Bond sur le côté, debout, pare, fends, feinte, esquive, frappe. Elle continuait d'attaquer comme une démone. Il y avait des lacunes, mais pour une première tentative, c'était extraordinaire. Saute.

Mon saut, accompagné d'un soupçon de lévitation, me projeta au-dessus d'elle, puis derrière avec une pirouette. Elle se projeta vers moi, ses lames en roue libre. Je les bloque, puis me glisse sous sa garde pour la désarmer et mettre ma lame sous sa gorge.

- Qui t'a appris ça ? m'exclamais-je. C'était excellent pour un premier essai. Beaucoup mieux que ce que l'on peut attendre d'une débutante.

Elle avait l'air sûre d'elle, épaules relâchées, respiration sifflante mais calme.

- Je me suis un peu entraînée. Les arbres d'Everglen peuvent en témoigner.

- Il y a une chose qu'ils ne t'ont pas appris. Côté transfert du poids, c'était presque parfait. Le principal problème, c'est que tu ne fais qu'attaquer. Si tu ne sais pas te défendre, tu es morte. Il faut aussi que tu fasses toujours attention à ton jeu de jambes. Tu gardais les pieds serrés, mais il faut faire tout le contraire. Dernier point, et c'est du chiantisme niveau professionnel, mais tu fais beaucoup trop de mouvements superflus.

Biana sourit, puis ramassa ses lames et se mit en position.

- On remet ça ?

- Et comment !

Un frisson me parcourut. Pour la première fois depuis longtemps, je prenais du plaisir à la tâche.


Les prochaines semaines passèrent en un éclair. Biana s'entraînait comme pas permis, jusqu'à ce qu'elle ait appris et perfectionné toutes les bases ce que je lui avais imposées, et les autres faisaient des progrès extraordinaires en même temps. Sophie avait eu l'idée de soutenir Jolie avec de l'énergie mentale pour forger un cadenas qui renfermerait la fracture. Pas d'avancée jusqu'ici, mais Jolie réagissait de plus en plus.

Les fragments de sa conscience se rassemblaient, mais malheureusement, c'était loin d'être suffisant. Il faudra la booster un grand coup. Seul souci, on ne savait pas du tout comment.

Pour me changer les idées, un matin, je saute en direction de la capitale elfe, en bordure de laquelle amis vivaient dans l'attente d'une amnistie qui ne devrait plus tarder pour retourner chez eux.

L'une d'eux, Thaïs Loan, vint justement à ma rencontre.

- Aélynn ?

- Salut ! lançais-je. Ça va ?

- Et toi ?

J'ai tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas. Dans sa voix vibrait un ressentiment qui tranchait avec sa nature optimiste et souriante.

- Plus maintenant. Il y a un souci ? fis-je, les sourcils froncés.

- On peut dire ça. Viens par ici.

En parcourant le campement, je fus agréablement surprise du contraste avec il y a quelques mois. Les vêtements déchirés avaient laissé place aux tuniques propres, la saleté à la propreté. En revanche, les regards mauvais que je reçus refroidirent mon enthousiasme.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demandais-je à Thaïs.

- Tu verras bien, lâcha-t-elle.

- Réponds-moi, s'il te plaît. J'ai bien le droit de savoir ce qui se passe, non ?

Elle s'arrêta et se retourna brusquement.

- Ce qui ne va pas ?! Tout ne va pas ! Madame nous libère, merci, juste pour passer de misère en misère. C'est toi qui nous a poussée à nous battre alors que nous aurions pu fuir. C'est à cause de toi que vingt Errants sont plantés au bord de la Vespérale. C'est à cause de toi que nous sommes restés pendant pratiquement un an, se demandant chaque soir si l'on se réveillerait le lendemain.

- Parce que tu aurais préféré y rester ?! m'énervais-je. Parce que vous auriez préféré rester là-bas, à craindre pour votre vie chaque seconde alors que moi, je vous ai offert un semblant de sécurité ? Que je sache, personne ne vous a jamais forcé à sauter à ma suite, si ? Que je sache, c'est vous qui avez décidé de me donner le rôle de chef et de me faire confiance ! Est-ce que tu crois que s'enfuir aurait amélioré nos chances dans la bataille ? Nous étions en bordure d'une forêt, les ogres sont des as du camouflage. Tu vois le souci ? C'est seulement parce que nous sommes restés là-bas que nous avons gagné la bataille.

- Mais à quel prix ? Nous aurions pu bouger, aller à un endroit où il ne nous auraient jamais trouvé.

- C'est sûr que c'est facile de se déplacer discrètement à cent cinquante, marmonnais-je.

Un attroupement s'était formé autour de nous. Un elfe lança :

- Et pour qui tu te prends, toi, à te la couler douce à Havenfield, en nous laissant ici ? Le rôle d'un chef n'est-il pas de toujours s'assurer de l'état de ses troupes ?

Mes idiotes de glandes lacrymales s'activèrent.

- Donc vous voulez quoi ? Que je rampe ?

- Que tu débarasses le plancher, tout simplement.

- Très bien, murmurais-je avec un calme mortel. Je vois. "Merci de nous avoir sauvé la vie, maintenant dégage". Très bien. Ne venez pas regretter votre décision après.

Je traversais le cercle. Le dégoût se lisait sur chaque visage.

Quelque chose me frappa dans le dos, explosa. Un fruit, sans doute. Ça ne m'intéressait pas. Seule une colère sourde portait mes jambes. Puis je quittais le campement, m'assis dans le coin d'une venelle et fondis en larmes.

Chapitre 17[]

Colère. Tristesse. Sentiment d'abandon. Haine ?

Différentes émotions couraient mon cœur, formaient un nœud dans ma poitrine. Je n'en revenais pas. J'étais peut-être égoïste, mais ils n'avaient pas le droit de me rejeter ainsi.

Et pourtant.

Mon corps partit, laissant mon esprit naviguer seul. Tout ces bons souvenirs. Tous ces moments difficiles, où un sourire à malgré tout effleuré nos lèvres, pour la simple raison que nous étions ensemble.

Toutes ces amitiés chères, qui avaient forgé des liens que, naïvement, je pensais éternels.

Et pourtant.

Envolés. Brisés. Les fragments étaient trop petits et éparpillées pour que je puisse espérer les rassembler un jour, sans parler de les réassembler.

Et pourtant.

Un minuscule espoir, quelque part dans mon esprit, encore prêt à y croire. Encore prêt à s'y raccrocher.

Mais cet espoir s'envola quand j'ouvris les yeux. Sans le remarquer, pratiquement comme un zombie, j'avais pris mon éclaireur et avait tourné les facettes. Et sauté, protégée par mon nexus que l'on m'avait posé pour des raisons de sécurité, ayant perdu l'habitude de sauter.

Carrenam. Mon chez-moi, celui qui avait bercé vingt-et-une courtes années. Et qui n'en bercerait pas plus. Du manoir d'obsidienne, avec ses rosettes si finement décorées au points cardinaux, il ne restait plus qu'une carcasse écrasée sous des milliers de tonnes de rochers tombés de la falaise qui surplombait le bâtiment.

Mes pas me menèrent par les restes d'une porte sur les marches d'un escalier central que j'empruntais tous les jours une demi-douzaine de fois.

Quarante-cinq, quarante-six, quarante-sept...

La quarante septième marche, instable, sur laquelle je m'amusais à glisser puis transformer l'escalier en toboggan de glace.

Le nombre de bêtises et punitions que j'avais récoltées ici se chiffrait par dizaines.

Un autre obstacle me barrait la route au sortir de l'escalier : dans le couloir de gauche, qui menait à ma chambre, une énorme colonne s'était écrasée, me barrant le passage. Je n'avais jamais été très douée en lévitation sur de longues durées, donc pas de passage comme ça. Une autre idée me vint. Je me mis à courir, puis bondis en avant quelques mètres devant l'obstacle. Je me réceptionnais sur les mains, repartis en avant. Dans les airs, une demi-vrille pour atterrir dos à l'obstacle. Puis je rebondis, utilisant mon élan, pour me propulser quelques mètres en hauteur et réatterris sur le haut de la colonne. Ensuite, comme une machine, mon corps me mena à travers le champ de débris au moyen d'acrobaties mêlées à un soupçon de lévitation.

Toujours garder une forme physique parfaite, nous martelait notre mère.

- Utilise la lévitation comme un tremplin. Il faut que tu sois élastique, flexible, mais en même temps rigide. Comme un roseau, si tu veux.

Et si mon esprit semblait ne plus se rappeler de ces enseignements, mon corps les avait parfaitement assimilés.

Avec une dernière roue insolente à travers un énième tas de gravats, je me réceptionnais sur le sol.

Le claquement de mes chaussures sur le sol m'accompagna vers la deuxième porte à ma gauche, celle de ma chambre, partagée avec Cynethia. Je la poussai délicatement, m'attendant à rencontrer une résistance, mais le battant s'ouvrit sans difficulté, alors que je fermais toujours à clé.

Rien n'avait bougé dans la pièce. Elle avait été épargnée par les pierres, se trouvant sous un petit surplomb rocheux. Dans le coin gauche, un bureau poussiéreux sur lequel trônait un petit arbre de photos. À l'opposée, le bureau de ma Phaseuse de sœur. Entre les bureaux, dans un espace beaucoup trop large encore pour eux, deux lits, tête contre tête. Mon lit à droite, celui de ma sœur à gauche. Croisés par rapport aux tables. C'est ridicule, mais c'est comme ça que nous assumions notre différence par rapport aux restes des elfes. Être jumelles ne veut pas dire différentes où inférieures.

Par rapport à tout ce qui s'était passé en deux ans, ce combat me paraissait maintenant bien dérisoire.

Le reste de la pièce, pourtant grande, se composait de diverses pièces de mobilier contre les murs, et au milieu, un grand espace pour jouer, où "fiche le bazar" comme disait notre père.

Et au milieu de cette espace se dressait une silhouette de la même taille que moi, cheveux noirs comme moi, jusqu'à la taille également, avec une mèche qui cachait un œil droit paresseux. Le gauche pour moi.

- Cynethia ? soufflais-je.

- Je me demandais combien de temps tu mettrais à me remarquer. Ça fait deux minutes que tu est là sans bouger.

Une avalanche de souvenirs déferla sur moi. Des jeux, des rires, parfois des disputes mémorables. Et maintenant, même concept, des années après.

Cynethia se retourna vers la grande baie vitrée qui donnait sur la falaise. Je m'approchais d'elle, doucement, mais elle leva la main.

- Pas à droite. J'aurais horreur de ne pas te voir alors que tu es juste à côté.

- Pourquoi ? Tu vois, non ?

- Plus maintenant. Il est aveugle. Et je suis sûre que si tu essayais de regarder par l'œil gauche, tu remarqueras le même chose.

Surprise, je soulevais ma mèche et fermais l'œil droit. Effectivement.

- C'est extraordinaire comme on s'y habitue, hein ? Mais c'est un sérieux handicap quand on le remarque. Plus un monde s'effondre, plus ça se répercute sur soi, murmura ma sœur.

- Quelle discussion joyeuse... commentais-je. Et si on visitait la maison? Tu n'as pas perdu, sportivement, j'espère ?

- Pas du tout !

Elle se tourna vers moi avec un grand sourire.

- La dernière à arriver à l'escalier paye un vin de pétillante !

Le contexte n'était pas des plus joyeux, et maintenant que je l'avais remarqué, le côté gauche de mon champ de vision manquait, mais ce sont les petits plaisirs qui forgent les grands moments.

Le bien que cela faisait, de s'entendre rire à nouveau, d'avoir une présence connue à côté de soi, de se sentir aimée...

Et si c'était tout simplement ça, le plus important ?

Toutes ces pensées s'évanouirent presque immédiatement. Nous étions arrivées au deuxième étage, dans la chambre de nos parents. Ou ce qui en restait. À savoir un amoncellement de rochers de la taille de mammouths laineux.

Empilés les un sur les autres, comme une tresse de dix mètres de haut ils nous barraient le chemin.

- Il faut aller de l'autre côté, murmura Cynethia, la voix tremblante et brisée.

- Pas besoin, répondis-je sur le même ton.

Lentement, je m'approchais d'une ouverture de la taille d'une balle de balle-piège. J'y glissais mon bras.

Un contact. Froid, rugueux. Je retiras mon bras et regardais dans l'ouverture. Avec l'aide de ma vision nocturne, je pus discerner une base, blanc sale, plutôt jaunâtre, de laquelle partaient cinq branches.

Une main. Ou du moins son squelette. À l'index, une bague orné de diamants disposés en fleur.

- Maman.

Ma voix n'était qu'un murmure inaudible, mais j'entedis Cynethia réagir derrière moi, s'assoir, se replier sur elle-même comme une fleur fanée.

À côté de la main, une feuille de papier que je pris entre mes doigts.

157, Pour toujours, ogres, crise, était-il marqué.

Mon cerveau interpréta tout de suite les codes.

- Quinze juillet, pour toujours... éternel, Éternalia, ogres... crise... crise mentale. Attaque !

Je me tournais vers ma sœur pour la secouer.

- Il faut partir d'ici !

Elle réagit comme une machine, partit en courant.

Le papier me glissa des doigts lorsque je partis à mon tour.

Quelques mots agrippèrent mon regard : Ce sera l'enfer.

- Merci, sale traître, murmurais-je.

Derrière moi, alors que je venais de sortir, le manoir s'effondra.

Chapitre 18[]

Elle était là. Ou pas.

Morte. Ou pas.

Vivante. Ou pas.

Elle était brisée.

Mais elle était en train de guérir.

Sophie était absente depuis presque trois heures dans l'esprit de Jolie.

Pour passer le temps, une partie de conquête express s'était installée entre Biana, moi et Dex face à la mère et aux frères et sœurs de ce dernier.

Le but était plutôt de créer des allées de givre jusqu'à former un labyrinthe pour égarer l'équipe adverse, jeu auquel Juline prenait beaucoup de plaisir.

Moi, je n'arrivais pas à en profiter correctement.

La nouvelle de l'attaque, prévue pour dans deux jours, avait déclenché un ouragan dans le monde elfique.

Et les seules personnes réellement aptes à y faire face étaient - quelle surprise - mes ex-amis et moi.

Surtout moi.

Et j'avais intérêt à me réconcilier avec la bande d'idiots.

Il en dépendait de la survie du monde.

Le problème, c'étaient les gardes du corps ogres. Entre leurs parents et leurs nouveaux enfants affectifs, il était difficile de choisir.

Ils ne participeraient pas à la bataille.

Nous avions découvert, après examen par des Télépathes, que l'esprit d'une énorme minorité ne ressentait pas la culpabilité de la même manière (nous en faisions partie, étrangement, tous mes ex-amis et moi) : au lieu de s'effondrer tout de suite, ils pouvaient accumuler ces sentiments un temps, pour en subir les effets force dix après (encore un désavantage) donc eux recevaient un entraînement spécial pour viser les points vitaux sans pour autant tuer. En cette période de crise, tout les moyens étaient bons. Un cours de combat organisé à l'arrache était le nouveau passe-temps de ces elfes, organisé par mes ex-alliés et moi. Chacun entraînait vingt personnes, pour cent cinquante groupes, ce qui donnait trois mille. Ordre du Conseil.

Et sachant que j'étais à la tête de tout ce beau programme et la seule à pouvoir tuer, je me retrouvais étiquettée comme l'elfe la plus dangereuse du monde.

Je n'ai jamais aimé la célébrité. Surtout une notoriété de ce type.

Mais quel choix avais-je ? Ma petite personne ou un monde qui m'avait abandonné, peuplé de gens qui n'avaient rien à fiche de moi ?

C'était égoïste, mais la première option me plaisait.

- Mademoiselle Nothung ?

Une voix grave, appartenant à ceux qui n'ont pas levé le petit doigt pour moi quand tout à commencé.

D'un geste de la main, je signifiais à Juline et compagnie que j'arrêtais, puis je fis volte-face.

- Vos Excellences...

Une politesse feinte, masque de glace derrière lequel bouillait un volcan de rancoeur.

- Nous devons vous parler, dit Emery.

- J'imagine effectivement que vous n'êtes pas venus pour prendre un thé.

- J'aimerais bien ! mais ce n'est pas le sujet de notre requête.

- Qu'est-ce, alors ? questionnais-je.

- Je ne vais y aller par quatre chemins : vous devez arrêter d'entraîner les elfes pour le combat.

Je me figeais.

- Pardon ?!

- Vous m'avez entendue. Nous ne pouvons pas risquer la vie de trois mille des nôtres dans une bataille sans espoir.

- Il y a de l'espoir ! Ils sont devenus excellents, peut-être meilleurs que vos gobelins. J'imagine que vous savez que si nous renonçons à nous battre, c'est une armée de trente mille hommes qui va nous déferler dessus, et que ce ne seront pas trois mille, mais tous les elfes qui vont y passer !

- Nous aurons disparu depuis longtemps.

- Et où ?

- Au quatre coins du monde, chacun chez lui.

Je m'esclaffais.

- Et laisser un petit mot sur le paillasson : "Prière de ne pas attaquer tous nos petits palaces privés dont les emplacements sont tous recensés dans la tour du Service des Identités... Oups ! Oubliez la dernière phrase!"?

- Présenté ainsi, cela paraît simple. Mais nous aurons évidemment liquidé ces documents, répondit-il avec un calme étonnant.

- Et c'est aussi simple que ça ? Aucune chance que des documents aient fuité, volés par un certain Aryn Corman ?

Emery blêmit.

- Comment êtes-vous...

- C'était l'un de mes compagnons. Il a changé de camp, mais m'a laissé le message sur l'attaque. Pour en revenir à nos moutons, les ogres sont au courant des localisations de chaque demeure sans exception. Que comptez-vous faire ?

- Il faudra réfléchir. Mais cet entraînement à mourir n'aura plus lieu.

- Écoutez-moi bien, monsieur Parfait et vous autres dirigeants incapables de prendre la bonne décision. J'ai passé plusieurs mois dans cette cité de malheur. J'y ai vu et vécu des choses qui me font cauchemarder aujourd'hui encore. Quelque soit l'idée que vous avez en tête, ce n'est pas la bonne. Au combat, ce ne sont pas des êtres raisonnables capables de pitié, juste une meute assoiffée de sang qui ne s'arrêtera pas avant d'avoir atteint son objectif. Je veux utiliser cela. Les prendre à leur propre jeu. Gagner cette bataille et les réduire au silence. Oubliez vos futilités d'alliances, n'essayez même pas la rédition, vous n'en tirerez rien. Il faut leur parler dans une langue qu'ils comprennent, et c'est celle de la violence. Il y a trois mille hommes et femmes dont les Talents comme les nouvelles aptitudes au combat peuvent changer le cours de l'histoire. Beaucoup mourront. Mais une paix sans sacrifices n'est pas une paix. Faites le bon choix, même si c'est le plus difficile. Il y a pas d'autre échappatoire.

- Vous ne m'avez pas compris, mademoiselle Nothung, coupa Emery, froid comme les Enfers. Notre décision est sans appel. À compter d'aujourd'hui, vous serez placée sous surveillance rapprochée par les gobelins d'Havenfield avec interdiction de quitter le domaine. Quant à nous, nous allons décider quelle solution sera la bonne. Et ça ne sera pas la vôtre.

- Il me semble que vous jugez très mal la situation, répondis-je à la colonne scintillante qui avait avalé Emery pour le ramener dans son petit château privatif.

Puis l'horreur de leur dires me revinrent à l'esprit puissance mille.

Lâches.

Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient.

Je pris mon transmetteur, relayais le message.

- Changement de programme. À partir d'aujourd'hui, on s'entraîne à Havenfield. Angles à tailler : Douze, cent cinquante-quatre, cent deux.

Chapitre 19[]

On les entendit avant de les voir.

Trente mille guerriers, soulevant un énorme nuage de poussière.

Le vacarme des plaques d'armures, des ceinturons chargés d'outils de mort, de cris guerriers, gelait littéralement ma vaillante petite troupe sur place.

Nous étions sur un plateau au sud d'Éternalia, dos aux montagnes sur lesquelles étaient postés quelques centaines d'archers.

Les elfes avaient tous fui dans leurs demeures respectives, puis deux mille cinq cents étaient revenus.

Je ne peux pas en vouloir aux derniers cinq cents de n'être pas venus.

Cette bataille, quelle qu'en soit l'issue, sera la dernière.

Soudain, ils apparurent. Une étendue sans fin de tueurs aguerris, et à leur tête, Dimitar, sur un trône porté par quatre ogres - sa garde rapprochée sans doute -, avec une insolente impassibilité qui me donnait envie de lui décocher une flèche, juste pour voir.

- Dégagez d'ici, proposa le monarque, plus simiesque, glabre et détestable que jamais. Vous aurez une chance de survivre.

- J'allais dire la même chose, ripostais-je, prête à lever le bras pour faire pleuvoir des flèches.

- Le courage est une qualité appréciée chez nous, bailla Dimitar. Néanmoins, il ne vous servira à rien ici.

- N'est-ce pas ? Venir avec une armée dix fois supérieure en nombre juste pour mater une seule personne ?!

- Si ces gens derrière toi meurent, tu sauras pertinemment que ce sera de ta faute. Si tu avais été bien sage, je t'aurais offert la liberté à Ravagog.

- Pour me marier à l'un de tes guerriers en guise de récompense ? Je ne suis pas un objet ! Aucun de nous ici ne l'est.

Dimitar se retourna lascivement sur son trône. L'un de ses porteurs grimaça.

- Qu'est-ce qui te fait croire cela ? Simple déduction, d'après tes manières, issue de mon cerveau. Mais ça doit être un terme qui t'échappe.

- Je n'irais pas jusque là. J'ai eu beau te sous-estimer, cette fois mon plan est infaillible.

- Ah oui ?

Cette bravade était sans doute idiote, mais tellement satisfaisante !

Dimitar se redressa, aux frais du même porteur que tout à l'heure, qui faillit s'affaisser.

- Évitons les morts inutiles ! proclama le monarque. Désignez trois d'entre vous qui m'affronteront dans un combat singulier... à mort. Si je les tue, vous vous rendez, et je vous jure que votre vie sera sauvé, contrairement à celle des autres elfes. Et si je perds, mes soldats se retireront, et plus jamais vous n'entendrez parler des ogres. Je vous laisse cinq minutes pour décider. Si, passé ce délai, vous n'avez pas fait votre choix, nous vous massacrerons tous.

Une angoisse sourde me serrait la poitrine. Je pourrais aller le combattre, mais quid si personne d'autre se portait volontaire ? Seule, je ne ferais jamais le poids.

- Aélynn doit y aller, déclara Thaïs Loan, cette même femme qui m'a reniée quelques jours plus tôt. Avec elle, la victoire est presque sûre.

J'avais beau chercher, je ne décelais aucune ironie, aucun sarcasme dans sa voix. Elle était on ne peut plus sérieuse.

- Je... J'accepte, balbutiais-je, surprise de ce changement d'attitude.

- Désolée pour l'autre jour. Je n'aurais pas dû.

- Euh... ce n'est pas grave.

Quelle sotte je fais !

- Qui d'autre se porte volontaire ? lançais-je à la ronde.

Silence gênant.

- Moi.

Ma jumelle leva la main.

- C'est moi qui connais le mieux Aélynn. Je pourrais m'adapter mieux que personne à son style de combat.

J'aurais aimé protester, mais je n'avais pas mon mot à dire. Il en allait de l'avenir du monde, quand même !

- Plus que deux minutes ! nous cria Dimitar.

- Vite !! Quelqu'un d'autre ? hurlais-je.

Rien ne se passa.

- Une minute !

- Allez ! Votre choix changera la face du monde...

- Pas forcément au positif... rétorqua quelqu'un, qui avait malheureusement très raison.

- Trente secondes ! continua le sinistre décompte.

- Moi.

Cette voix cristalline, cette silhouette svelte et élancée...

- Jolie ?

- C'est moi. Je suis guérie. Shootée à l'eau de jouvence, mais je suis guérie. Et j'y vais. Seule.

- Pardon ? Nous irons à trois !

- J'ai un compte personnel à régler avec cette enflure. Mais...

- Cinq secondes !!

- Je... Nethia ? hésitais-je.

- Je suis d'accord avec ce plan, dit celle-ci d'une voix ferme.

- Alors vas-y. Va lui refaire le portrait, Jolie !

- Fin du décompte ! cria Dimitar. Alors ?

- Jolie va t'affronter.

- J'ai dit trois.

- C'est à nous que revenait le choix.

- Petite insolente...

- L'insolence n'est-elle pas un terme générique derrière lequel tu ranges toutes les fois où quelqu'un d'autre que toi à eu raison ?

- La ferme.

Dimitar se leva sur son siège, et son porteur grimaça.

- Descendez-moi, vous autres ! ordonna le roi.

Un minuscule pic de glace jaillit de mes doigts pour aller pulvériser la rotule du porteur affaibli, lequel s'effondra avec un cri de douleur, emportant Dimitar dans sa culbute.

Le monarque se releva lentement, indifférent aux gémissements de l'ogre blessé, tira un shamkniv et se mit en position.

- Approche et viens te battre, Jolie Ruewen !

Le combat décisif commençait.

Chapitre 20[]

Jolie s'avança, souveraine.

Plus de trace de son récent traumatisme. Un Télépathe me confirma d'ailleurs que son esprit était parfaitement ressoudé. Et quelque chose me disait que Sophie n'y était pas pour grand chose.

Un guerrier ogre traça un cercle dans le sol avec de la terre battue.

- Si l'un de vous sort de ce cercle, l'autre à la droit de lui infliger une entaille n'importe où. Dès que les antagonistes ont les deux pieds cercle, le combat commence. C'est un duel à mort.

Jolie approuva d'un signe de tête, pendant que Dimitar se mit en position de combat dans la zone de combat.

Épée tirée, calme, une arrogance qui lui dégoulinait littéralement du visage : le parfait guerrier qui sait qu'il va remporter une victoire écrasante.

Il va être surpris.

À dix pas du cercle, Jolie s'arrêta. Un redoutable sabre très légèrement recourbé à tranchant simple apparut dans sa main.

Elle cala dans son dos, attacha ses cheveux.

Et d'un coup, sans prévenir, elle jaillit en avant. Au bord du cercle, elle bondit, virevolta au-dessus de l'ogre, qui lui balança un coup de sabre qu'elle évita de justesse. Un as de la lévitation.

Et elle atterrit gracieusement à quelques mètres du cercle, de l'autre côté.

- Je porte plainte, déclara t-elle. Dimitar m'a attaqué avant le début du combat.

- Tu étais sur le cercle ! s'insurgea Dimitar.

- À partir du moment où l'on a les deux pieds dans le cercle. Or je n'en ai posé aucun. Ou bien contesterais-tu tes propres règles ?

Dans les dents.

- Allez vous placer dans la zone de combat, ordonna l'arbitre.

- J'exige de lui infliger une entaille, comme stipulé dans les règles.

- Le combat n'avait pas commencé, jeta l'ogre.

Jolie soupira et se mit en place.

- Cette fois-ci, c'est la bonne !

- Chap suivant -

Dimitar se jeta en avant, son arme au ras du sol. Au dernier moment, il amorça une frappe en demi-cercle, que Jolie évita en roulant sur le côté. Emporté par son élan, le monarque vacilla. La jeune femme mit cet instant de faiblesse à profit pour se glisser derrière lui et invoquer un petit poignard, qu'elle tenta de loger entre ses côtes. Le slip métallique de Dimitar réduit la lame en miettes.

Dimitar se retourna et fit voler son bras, frappe parée de justesse encore une fois.

L'affrontement reprit de plus belle, Jolie se défendant comme elle pouvait, en s'invoquant dans le néant pour éviter une frappe particulièrement vicieuse, en dématérialisant sa lame quand elle ne risquait pas d'être touchée...

Mais Dimitar prenait l'avantage, lentement mais sûrement. Aucun d'entre eux n'était encore blessé, mais notre amie commençait à s'affaiblir.

Et ce qui devait arriver arriva.

L'arme de Jolie voltigea de ses mains, et Dimitar la ramassa pour éviter une invocation.

Jolie hocha la tête.

Le moment était venu de concrétiser notre plan.

Cynethia se jeta en avant, et je la suivis.

Simultanément, dans un accord parfait, nous plongeâmes vers le roi, elle par devant, moi par derrière.

Au moment où nous allions frapper, à mains nues, deux lames électriques jaillirent de nos avant-bras et foudroyèrent le roi.

Ce dernier se cambra en avant, secoué de spasmes, mais se reprit aussitôt.

- Vous avez oublié les règles...

- Tu as dit que tu affronterais trois personnes.

Dimitar cracha par terre.

- Et comment voulez-vous me vaincre ?

Jolie se dé-invoqua juste au-dessus de lui, un poignard à la main.

- Comme ça.

Chapitre 21[]

La lame s'enfonça jusqu'à la garde.

Dans le bras du roi.

Plus rapide qu'on n'aurait jamais pu imaginer, il s'était dérobé. Mais Jolie put ajuster son coup pour le blesser tout de même.

Malheureusement, le brusque mouvement du roi la déséquilibra, et elle eut juste le temps de s'invoquer elle-même pour éviter une frappe qui l'aurait coupée en deux. C'était la fois de trop. Quand elle reviendrait, elle serait trop fatiguée pour se battre.

L'objectif final - tuer Dimitar - revenait donc à Cynethia et moi.

Un fouet de glace jaillit dans ma main, s'enroula autour du couteau fiché dans le bras de Dimitar et le fit avancer jusqu'au coude.

Le roi hurla de douleur, et, de son bras valide, me flanqua un formidable coup de poing qui me fit m'écraser contre ma sœur. Déséquilibrée, elle tomba... hors du cercle.

- Ha! jubila le roi. Viens ici que je te découpe!

Cynethia faillit riposter, mais elle n'avait pas le choix.

Elle s'avança lentement, tête haute, regard droit.

Comme si elle savait ce qui allait se passer dans moins de dix secondes.

Dimitar passa derrière elle, plaça son couteau dans le bas de sa nuque, et, d'un coup sec, fit glisser sont couteau jusqu'à ses genoux laissant une longue ligne rouge le long de la colonne vertébrale. Mais surtout, dans un bruissement d'étoffe, les vêtements couvrant Cynethia glissèrent au sol.

Elle se recroquevilla au sol, tentant tant bien que mal de dissimuler sa pudeur.

Une humiliation en plus.

Quand tout cela s'arrêtera-t-il ?!

Mon sang ne fit qu'un tour.

D'un geste fluide, je ramassai la tunique de ma jumelle pour l'en couvrir.

Puis la joute commença.

Pas un instant Dimitar n'eut l'avantage. Vaincu par sa propre arrogance, il se pensait meilleur en tout. Mais rien ni personne n'aurait pu tenir tête au monstre que j'étais devenu.

Un ligne rouge zébra bientôt le torse de Dimitar. Puis son œil droit abandonna ses fonctions. Et finalement, sa tête valsa en l'air. Séparée de son corps.

Épilogue[]

Le bain de sang dans lequel je me trouvais me répugna après-coup.

J'avais assez semé la mort comme ça.

Mais aujourd'hui, maintenant, la mort avait apporté la paix.

Et moi, ayant triomphé du meilleur d'entre eux, j'étais devenu ce symbole de paix que l'on recherchait depuis si longtemps.

La première à porter ce titre.

La reine des ogres.

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